Origin of Muse

 

INFORMATIONS
Origin Of Muse est sorti en 2019, année marquant les 20 ans de Showbiz mais également les 25 du groupe.

C’est un coffret de  9CD et de 48 pages qui à travers un long interview , des photos et surtout des demos  permettent de voir la progression du groupe de leur début au milieu des années 1990 à la consécration avec Origin Of Symmetry.

 

 

 

TRADUCTION DU TEXTE DE ORIGIN OF MUSE
Durée de lecture : ~40 minutes
Traduction réalisée par Noémie, Kate et Carole pour Muse France

— Origin Of Muse —

 

INTRODUCTION
Des sons pas très précis d’anciennes époques ont été transmis à des ordinateurs pour les étudier de manière approfondie. De vieilles paroles de chansons d’un autre monde ont été retrouvées, de vieilles photographies étudiées, de vieux posters de concerts ont été redécouverts. Comme des astronautes qui se jettent dans l’espace à la recherche d’une preuve du Big Bang, nous parcourons des fragments d’histoire à la recherche de l’origine de Muse.

Un trio occupée à viser le top. Ce trio talentueux a ce qu’il faut pour viser le haut de l’industrie musicale selon Phillip Korthals, qui apprécie les nouvelles tendances de la musique. Depuis qu’ils se sont formés, il y a presque un an, le trio fait environ un concert par mois, et voyage depuis Teignmouth. Un des membres étudie toujours au Community College, alors que les deux autres étudient au Exeter College. Ils écrivent tous les trois leur propre musique. Il préfère cela plutôt que de faire des reprises d’autres groupes. Ils ont beaucoup d’ambition bien plus que le fait d’être un simple groupe de rock qui joue dans les pubs. Ils utilisent une combinaison de guitare basse et batterie avec des vocales harmonisées, leur son est décrit comme «dur mais précis ». Cette vieille région n’a pas encore entendu leur musique mais avec des réservations en cours à la Cavern d’Exeter et au Plymouth Cooperage, ils doivent être plutôt bons.

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Au Air studios, du nord de Londres, et dans l’une des plus grandes salles d’enregistrement, trois amis d’école du Devon qui sont maintenant des rockstars remplissant des stades sont penchés au dessus d’une table ou est étalé tout leur passé. Dominic Howard, est sur son ordinateur plein de vieilles démos et de vieux enregistrements vidéo. Chris Wolstenholme, utilise sa mémoire pour se rappeler des dates et endroits d’anciens concerts. Matt Bellamy, se rappelle des sons et influences qui formaient la base de ce qui allait devenir l’un des plus grands groupe de rock de la planète aujourd’hui.

Dom : «C’est fou de regarder ces vieilles photos et enregistrements, écouter d’anciennes démos, et retracer les pas de ce qui a formé le groupe. Cela nous fait réaliser que nous avons réalisé un voyage extraordinaire jusqu’à aujourd’hui. »

Depuis leur premier combat que fut le Battle of the band en tant que Rocket Baby Dolls, jusqu’au chaotiques et hallucinants concerts qui nous ont donné le futuriste et fantasmagorique Origin of Symmetry, le développement de ces trois garçons du Devon jusqu’à leur statut de meilleur groupe de rock du XXIe siècle fut une grande toile de folles idées et d’inspirations. Ils tirent sur n’importe quel fils et utilisent toutes les courbes musicales : DeUs a fusionné avec Rachmaninov, les Fugees et leur guitare espagnole, Tom Waits avec le son d’une tempête.

PARTIE  PRE-SHOWBIZ
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Si vous étiez au Torquay Railway Inn ou un autre pub du Devon dans les années 1995 et que vous tombiez sur Muse faisant l’un de leur premier concert, vous ne les auriez sûrement pas reconnu. Les locaux ivres demandaient des chansons de Metallica à ces jeune de 17 ans avec leurs longs cheveux qui balançaient des guitares partout. Les bars étaient vides, avec seulement quelques amis qui faisaient des mosh pit.

Mais si vous restiez pour écouter vraiment, le bruit prend forme, devient des vers, des refrains, des interludes expérimentales. Vous entendriez également des éléments des groupes Rage Against The Machine, Smashing Pumpkins, Nirvana , dEus et d’autres groupe du début des années 90. Soudainement, la scène devient spectaculaire.

Matt : « Musicalement nous étions des musiciens assez capables assez jeunes, et quand vous apprenez des choses qui sont plutôt techniquement difficile vous voulez le montrer. Beaucoup de nos premières démos sont plus instrumentales, des arrangements expérimentaux, il n’y a pas beaucoup de chansons qui font couplet-refrain-couplet-refrain, il y a beaucoup de riffs, et de moments expérimentaux. Beaucoup de chansons, ont un long break au milieu qui n’a rien à voir avec le reste de la chanson. »

Dom : «Les arrangements sont longs.»

Matt : «je savais pas chanter. Je ne savais vraiment pas chanter. On voulait trouver un nouveau
chanteur mais on a jamais trouvé le bon, pour compenser ma voix horrible on est devenu un groupe très musical. Mais c’était bien car cela nous a permis de travailler nos instruments. Nous avons été influencé par le rock américain comme Nirvana mais aussi par beaucoup de groupe anglais indépendants et le groupe belge dEUS. Nous aimions les choses que faisait Rush & Primus, donc on est parti dans cette direction »

Les portes leurs étaient ouvertes. Muse se souviennent de leurs premières expériences en tant que groupe, inspirés par leur légendaire professeur de musique Jill Bird, qui leur a donné la possibilité d’explorer leur intérêt pour le rock alors qu’ils étaient au Teignmouth community collège. Ils étaient tous les trois dans des groupes différents «parfois ensemble, parfois séparés ». Ils faisaient des reprises d’autres groupes de cette époque.

Matt : «c’était une petite scène ou l’on prenait du plaisir. On louait des petites salles de sport, ou on jouait les uns chez les autres, juste pour faire des reprises. C’était juste des chansons bizarre et grunge mais c’était énorme. Par exemple en 1994, on jouait une chanson de Ned’s atomic Dustin puis Lithium.

En regardant un classeur avec d’anciennes Setlists, paroles de chansons et un poster de concert, Chris sort une affiche d’un concert avec les groupes Gothic Plague, Fixed penalty et d’autres groupes locaux.

Chris : «C’est à ce concert que tu as joué Lithium a la basse et ensuite on a tout cassé sur scène. »

Matt : « Nous étions dans Gothic Plague et Chris dans Fixed Penalty. Nous n’étions pas contents, nous avions joué à pile ou face et c’est ton groupe qui est devenu tête d’affiche. Le mec a la basse dans leur groupe ne savait pas jouer Lithium, mais moi je savais la jouer donc je suis monté sur scène et j’ai dit je vais la faire. J’ai pris la basse et à la fin de la chanson j’ai commencer à casser tout leur matériel car je n’étais pas content que ne soyons pas tête d’affiche, mais ça nous a tous fait marrer. Nos deux groupes était dans un bordel d’instruments cassés. Dom aussi était la. »

Dom : « Je n’ai que de vagues souvenirs. Tu y es allé en premier et je t’ai suivi et j’ai sauté sur la
batterie »

Matt : « C’était drôle, toute la foule est monté sur scène. C’est la première fois que moi, Dom et Chris étions sur scène ensemble a foutre le bordel sur Lithium. »

La scène rock de l’école a ensuite disparu. Notre groupe était coincé entre la Nintendo et le skateboard. Matt explique : «ils ont commencé à construire un skate park, c’est un peu comme construire une église, tout le monde y allait. Le skate n’allait pas sauver ma vie, alors je voulais reprendre la musique. J’ai perdu beaucoup d’amis, car je n’étais pas ce mec cool qui faisait du skate. Je me souviens de ce jour des gens ont dit des choses sur moi et ça m’as fait mal. »

Pendant longtemps, Matt et Dom se sont sentis comme les derniers dieux potentiels du rock de Teignmouth. Ils écrivaient des chansons ensemble. Ils n’ont fait qu’une seule session avec l’ancien bassiste de Gothic Plague. La première chanson que Muse a écrite s’appelle Small Minded, c’est comment ?

Matt : « Cette chanson ne doit jamais être entendue »

Chris : « Tu m’avais donné une démo de cette chanson. C’est la chanson qui devait me convaincre
de rejoindre ton groupe. »

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Matt et Dom on recruté Chris de son groupe qui tombait en ruine en attendant qu’il sorte d’une salle de répétition où il jouait de la batterie et où il chantait. Deux répétitions plus tard, Fixed Penalty s’est écroulé, c’est à ce moment qu’un nouveau groupe de rock s’est invité à Teignmouth.

Dans un même dossier, ils trouvent une vieille photo d’eux trois avec un maquillage foncé et avec les cheveux raides comme des bâtons. Il n’y a que très peu de photos de Rocket Baby Dolls, le trio s’est juste formé pour faire le Battle of the bands. C’était la première fois que le prototype de Muse a joué sur scène et ça s’est terminé avec une salle complètement cassée , une bagarre et le groupe se sauvant dans leur van, ils avaient gagné le concours de Battle of the bands.

Matt : « Avec mon rouge à lèvres noir, je ressemble à une fille. C’était notre style. Il y avait aussi trois filles, les sorcières blanches. Elles faisaient des incantations , on allait avec elles dans les bois, on prenait les guitares et on chantait des chansons hippies en fumant de la weed. Il y en a une qui me plaisait bien et je pensait même pouvoir avoir les trois et franchement, c’est pas passé loin. C’était nos 3 seules fans lors du Battle of the band et elle nous ont demandé de les laisser faire notre maquillage. Elle nous ont transformé en gothique. »

Rocket Baby Dolls ne marchait plus très bien après. Les gens de Teignmouth préfèrent les groupes qui font des reprises. Dom explique : « On voulait devenir plus sérieux et faire nos propres chansons et les gens ont arrêtés de s’intéresser à nous quand on a arrêté les reprises ».

PAGE 9 : CD 1 – NEWTON ABBOT DEMOS –

Matt : « c’était juste nous, à 16 ou 17 ans, qui jouions pour nous même, sans aucun public. On est passé des superbes soirées où tout le monde était fous de nos reprises, à plus personne qui s’intéressait à nous, que ce soit notre public ou nos amis. On était vraiment seuls à ce moment là. On voulait faire nos propres trucs et essayer, on voulait plus faire de reprises. Mais quand on a commencé à faire nos chansons, plus personne ne venait car c’était nul. »

Entre 1994 et 1996, Muse ont fait 3 CD avec de la musique dramatique, heavy qui se situait entre le grunge américain de l’époque et les groupes Indie rock anglais. Ils jouaient dans des pubs du Devon et de Cornouailles devant un mec et son chien. « Il y a des concerts où c’était vraiment juste un mec et son chien » explique Matt. Ils jouaient aussi à la Cavern d’Exeter et au Cooperage de Plymouth qui étaient les deux seules salles digne de ce nom dans un rayon de 50km de Teignmouth. Leur premiers essais de faire des demos a mené à des résultats catastrophiques. Un mec de Torquay qui disait avoir travaillé avec Phil Collins à enregistré la Applestone Demo. Quand Dom est monté dans la voiture de son père, il a mis la démo et c’était juste horrible. Il y a eu d’autres tentatives mais Matt et Chris chantaient mal ou même une session d’enregistrement foutue en l’air à cause du matériel pourri d’un mec. Chris explique : « On a passé une journée entière à enregistrer chez un mec de Newton Abbot et au final on a enregistré 4 chansons. Quand on a voulu écouter, le mec a dit que le matériel était cassé ».

Puis ils ont eu ce potentiel manager qui les as transformé en contrebandiers. Matt : « On a enregistré une demo chez lui et il a dit qu’il ferait de nous un énorme groupe. Il nous a même fait faire un concert en France. Mais en fait, il s’est servi de nous pour faire passer des milliers de cigarettes en France. On s’est retrouvé dans un bar miteux avec 5 marins bourrés. »

Chris : « Ce gars conduisait une vieille ambulance. on est monté dedans elle était vide et il prenait des mecs en route, on avait plus de place pour revenir chez nous. »

Dom : « Il avait plein d’alcool et de cigarettes »

Pour éviter d’autres désastres, en 1995, Muse ont pris les choses en mains. Ils ont emprunté un enregistreur de leur école et ont enregistré « This is a Muse demo » dans la chambre de Chris. On y retrouve les chansons : Feed , Jigsaw Memory, Sling et Backdoor.

Matt: « Les gens ne l’entendent pas forcément mais pour moi Feed reprends des éléments de Cave, notamment dans la ligne de basse et dans le refrain. Il y a vraiment ce qu’on appeler une chanson qui se pointe à ce moment la »

En 1995, Dennis Smith, est propriétaire du Sawmills studio en Cornouailles. Il avait eu vent du talent de Matt longtemps avant. Il a notamment vu la vidéo de Matt jouant du piano à 12 ans et a été impressionné.

Smith : « Je vais à la station essence et je croise un gars qui travaillait pour moi de temps en temps. Il vient me parler d’un petit gars qu’il avait vu jouer au piano à l’école de sa fille, il était vraiment bon et je n’allais pas en croire mes oreilles. Il avait 12 ans et je me voyais pas utiliser un gamin de son âge. Je ne l’ai pas contacté, mais je savais ce ce petit gars plein de talents était là. » C’est a l’automne 95 que Matt appelle Smith par hasard pour demander du soutien. « Matt avait bien étudié les choses et savait que pour le sud Est de l’Angleterre il n’y avait que moi ou le studio de Peter Gabriel à Bath. » explique Dennis. Dennis est allé les voir le 11 octobre au Berkeley center à Cambourne : « Il n’y avait pas beaucoup de public mais c’était intéressant. Ils ont beaucoup d’énergie mais sont encore très jeunes. Ils avaient 16 ou 17 ans et avaient encore beaucoup à apprendre mais c’était prometteur. La basse et la batterie étaient pas vraiment terrible à cette époque là. Du coup je leur ait dit : « Les gars , c’est vos débuts mais ça me ferait plaisir de continuer à venir vous voir. Je vous donne des critiques constructives et on voit où ça mène. »

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Et c’est ce qu’à fait Smith pendant 18 mois. Il venait les encourager, les félicitait parce que leur musique devenait meilleure et leur a conseillé de ne pas se délocaliser sur Londres, mais plutôt de construire une vraie fanbase dans le Devon , tout en leur promettant d’intégrer le studio de Sawmills. C’était une bonne carotte pour eux. Matt avait signé pour prendre des cours d’ingénieur du son à Newton Abbot pour avoir accès à leur matériel d’enregistrement, et pendant cette année, Muse ont fait 3 sessions d’enregistrement qui ont donné vie à la Newton Abbot Demo enregistrée dans le studio semi-professionnel de l’école sur une cassette audio.

Matt: « A cette époque, tout le monde pensait que les cassettes c’était cool, mais maintenant ça fait un son pas terrible, on aurait du l’enregistrer en analogique. Ça nous a cependant appris la partie technique du métier, et ça a vraiment été bénéfique parce qu’on a finit par enregistrer nous mêmes nos albums ensuite »

Dom, jouant les DJ a choisi 15 chansons, des chansons avec des thèmes comme « s’ennuyer, se sentir piégé, avoir l’envie de se barrer d’une petite ville, se sentir incompris, des truc d’ados quoi ». Beaucoup de ces chansons ont fini comme B-sides de Showbiz et d’autres ont fini comme riffs joués en live aujourd’hui. Une image se dessine alors. Une image d’un jeune groupe ambitieux, aventureux et plein d’énergie qui émerge des bases de la musique moderne à la recherche de leur propre son. La Newton Abbot demo, qui leur a permis notamment de faire la première partie du groupe Gene à l’université d’Exeter, mélange du rock indépendant avec des moments plus calmes. Des son durs, bruts comme Crazy Days, Good News, et un énorme son appelé Ashamed, qui ont donné la base des chansons Cave, Soba et Balloonatic. Ces chansons sont les premières d’un EP qui sera rendu public sous le nom du groupe suivant : Tribute to nothing.

Matt : « La fin de notre adolescence a commencé quand nous avons sorti cet EP. On ne ressentait pas le besoin d’avoir une identité ou un style. Ce qu’on avait envie de faire, on le faisait. Ces démos représentent des tentatives de faire de vraies chansons. Avant, on faisait de l’instrumental et du progressif, on essayait de trouver des vraies chansons dans tous ces trucs bizarres, si il y avait vraiment des chansons dans ces trucs là »

Des archéologue avides de Muse trouveront des choses dans la Newton Abbott Demo. certaines touches de piano que Matt a essayées un jour de pluie et qui ne sont pas ressorties pendant 2 ans. Le son de Earthquake qui laisse présager les bases de Muscle Museum. Les premiers indices laissés par Matt de son intérêt pour les grande causes de ce monde dans le bizarre Good News. Mais le plus fascinant est la vieille version de Plug in Baby sans le solo de guitare et sans ses paroles.

Matt : « Showbiz et PIB sont en fait les même chansons finalement. Elles sont toutes les deux nées de note singulières qui montent vers un son plus orchestral de guitares le tout avec un riff qui les dirige. Ce qui rend le refrain de PIB bon c’est l’empilement de couches de sons de guitare toutes mêlées entre elle et qui donnent un son bien lourd, c’est bien plus épique qu’une seule guitare».

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Dom : « On a pris ce ressenti de ce vieux PIB et on l’a appliqué à Showbiz »

Donc Muse travaille depuis 1996 sur Plug in Baby et continue de travailler dessus sur plusieurs demo mais elle n’a pas été enregistrée pour le premier album et n’a quasiment pas été jouée en live.

Matt : « Je me souviens de pourquoi on a fait ça , je pensais « j’adore cette chanson, c’est putain de cool, il y a un côté émotionnel qu’aucune autre de nos chansons ne possède ». Mais pendant le processus de production, avec des mec comme Dennis Smith, Safta jaffery ( ex-manager), Guy Oseary (maverick records) et nos producteurs John Leckie et Paul Reeve qui avaient tous leurs propres idées pour nous, on a perdu la chanson dans la tempête du premier album »

Cette vieille version était plus centrée sur les paroles, parlant d’une personne qui voulait se télécharger dans une machine et y vivre pour toujours. « Dieu est en moi, alors que je suis dans une réalité virtuelle » disait la chanson. « Je ne mourrais jamais, parce que je survivrai dans ces circuits». Ces paroles ne seront pas dans la chanson finale mais le thème de vivre avec des machine reviendra 20 ans et 8 albums plus tard, en 2018 avec Simulation Theory. Enterrée dans la Newton About Demo, c’était bizarrement, une vision du futur de Muse.

Matt : « Je pense que c’était le but. la première version c’est l’idée d’une simulation virtuelle et vivre en tant qu’alter ego pour pouvoir être libre »

Dom : « un avant gout de matrix »

Matt : « c’était le début d’internet, ces idées la commençait à émerger. l’idée de créer un alter ego qui pourrait être libre. Ça fait toujours partie de la version finale, mais il y a aussi des éléments de chansons d’amour et d’autres choses encore, le tout mélangé. Pour le titre, on regardait des catalogue avec Dom et on est tombé sur un objet qui permettait d’entendre les cris d’un bébé depuis sa chambre. Ça vous donne une idée d’à quel point on pensait aux paroles »

Les souvenir défilent, les langues se délient. Ils se souviennent comment ils arrangeaient les chansons ensemble dans le vieil appartement de Matt. « Un repaire de drogue au dessus d’un sex shop, infestés de serpents et de chinchillas, en liberté, on se serait cru dans le repaire de Trainspotting »

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Dom admet entendre des touches de Korn et Pavement dans les enregistrements. Et en entendant a quel point c’était fou et lourd, cela lui donne un peu de regret.

Dom: « On faisait du son vraiment heavy en comparaison de ce qu’allait donner Showbiz. On était bien plus heavy que la majorité des groupes en UK et les producteurs avec lesquels on a travaillé nous ont éloignés de ce côté heavy. »

Matt: « J’entends deux choses. J’entends le développement de ce qu’allait être Origin avec tous les sons qu’on a pas mis, et j’entends ce qu’allait être Showbiz avec les sons qu’on a mis réellement. On comptait sur nos producteurs et leurs idées et il y avait un sentiment général que les sons heavy n’était pas très appréciés. Avec les 2 EPs, certains éléments de notre style ont été retirés car ils étaient trop prog, trop dramatique, trop fous, trop drôles, trop heavy ou trop américains. On a tous enlevés sauf les chansons plus émotionnelles dans leur structures et plus sérieuses. Le premier album est douloureusement sérieux. Avec OOS, on s’est dit , on s’en fout on fait ce qu’on veut et OOS c’est vraiment notre début, en termes d’avoir du succès. »

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Le processus a démarré en 1997. Quand la Newton Abbot demo est arrivée sur le bureau de Smith. Il a écouté ce qu’il attendait depuis deux ans. « J’ai vraiment entendu un truc spécial » dit il. « je ne parle pas de chansons pop, ça ne sera jamais Muse, mais à ce moment la ,j’ai entendu que Matt était bon à la guitare et que c’était le début d’un rythme vraiment génial. Il m’a envoyé une nouvelle cassette environ 6 semaines plus tard, en mars 97, avec d’autres chansons. Puis en Juin ou Juillet 97 , ils ont fait un concert à la Cavern d’Exeter et c’était le concert magique. Il fallait les voir sur scène, c’était de la magie ». Dès que le groupe Supergrass ont libéré le studio de Sawmills, Muse sont venus rencontrer le producteur Paul Reeve et en 4 jours , ils ont sortis cet EP de 4 chansons : The Muse EP.

Chris : « C’était un superbe endroit, prendre le bateau et descendre la rivière et tourner ensuite sur une petite crique ou on voyait le vieux Moulin »

Matt: « On avait à ce moment là un style de vie modeste et on venait de milieux modestes, on se retrouvait soudainement dans ce monde, ce superbe endroit; dans la nature , c’est vraiment un rêve qui se réalisait. On se se dit « notre musique est vraiment si importante qu’on a le droit d’utiliser un endroit comme celui la ? On nous a traité comme de vrais musiciens. C’était un super sentiment, une vraie validation. » Ils devaient décider quelles chansons de la Newton Abbot demo ils devaient choisir. PIB et Balloonatic ont été mis de coté pour laisser place à Escape et Overdue ainsi qu’à Cave et Coma. Et quand les enregistrement ont commencé, Matt est vraiment devenu lui-même. Reeve adorait la voix de Matt et l’a poussé à sortir des émotion et être plus expressif.

Matt : « C’est la première fois qu’on entendait vraiment ma voix. Avant ça, elle était un peu enterrée au fond de moi. Paul Reeve m’a fait sentir bien en tant que chanteur et c’est la première fois que je ressentait ça. c’était une révélation. mettre le casque, chanter et entendre un son clair qui convenait parfaitement avec ce que je chantais. Les fortes inspirations que je prenais entre chaque phrases , qui sont pas très professionnelles d’un point de vue du chant, beaucoup de producteurs aurait dit que c’était pas bon. Mais Reeve a décidé de les décupler pour faire ressortir un coté encore plus émotionnel. Il a vraiment eu un gros impact sur ma personne en tant que chanteur. Avant cela , je ne me sentais pas comme un vrai chanteur »

Dennis; « j’étais vraiment content, je trouvais que leur performances reflétaient vraiment un développement qu’ils prenaient au sérieux depuis une quinzaine de mois. Ça nous a mené au point que si on pouvait sortir un truc bien, il fallait le faire. »

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Sorti sur le Dangerous Label de Dennis Smith à seulement 999 copies en 1998, « The Muse EP » a bien marché localement, ce qui permit à Muse de remplir la Cavern et convaincre Smith d’enregistrer un second Muse EP. Dans le même temps, Matt en voyage inter-rail à travers l’Europe avec sa copine, découvrit des influences musicales plus exotiques et lointaines que celles qui pouvaient être entendue dans les clubs grunge du Devon, qui ont affectées certains titres comme Muscle Museum ou Uno. Par exemple, quand il était en Espagne il entendit « Recuerdos de Alhambra » de Francisco Tarrega, un célèbre morceau de guitare flamenco très difficile à jouer qui se mit au défi de le jouer après sa visite de l’Alhambra. A son retour, il fut surpris d’entendre un extrait similaire de ce morceau joué par Wyclef sur un titre des Fugees sur l’album « The Score » que Dom et Chris écoutaient pas mal.

Matt : « « Ça ma scotché, Wyclef joue une des plus complexe partition de guitare classique, mélangé dans un album hip hop éclectique. Je peux maintenant avouer que la ligne de basse de Muscle Museum et l’approche minimal des couplets fut un peu influencé par cette album. C’est la première chanson où nous avons commencé a prendre des influences en dehors du rock. »

Muscle Museum, va attirer l’attention de la presse musicale nationale sur Muse. Matt s’est aussi inspiré partiellement de la musique traditionnelle Grecque qu’il découvrit lors de ce même voyage dans une petite taverne sur l’île de Antipaxos.

Matt : « Nous étions les seules personnes à camper sur cette île, et lorsque la nuit est tombée il y avait personne autour de nous. Nous sommes donc allé dans cette taverne et ils jouaient de la musique grecque. Donc pas mal de cette folk grecque et les petites guitares qu’ils jouent, vous pouvez les entendre dans Muscle Museum. Je commençait à m’intéresser à la musique classique et surtout à la guitare. Je jouais des trucs de flamenco à la guitare, du coup Muscle Museum à pris cette tournure un peu flamenco.

Ce fut aussi la première fois que le groupe utilisa l’environnement du studio pour colorer un titre. Matt : Toute cette session « Muscle Museum » fut très spontanée en terme d’utilisation de l’environnement du studio pour l’écriture et pour trouver de nouvelles idées. Par exemple , il a commencé à pleuvoir pendant l’enregistrement de Muscle Museum du coup dès qu’il y avait un élément sonore naturel j’essayais de l’enregistrer, comme cette grosse tempête qui donnait une ambiance très dramatique avec les bois et l’eau autour du studio. Du coup on a ouvert les portes du studio et enregistré la tempête. C’est seulement sur l’EP mais il y a une prise où l’on m’entend jouer de la guitare en cordes de nylon, avec les portes du studio ouverte et je chante dans une plate reverb, c’est comme un radiateur si vous chantez dedans ça donne un son très distant. C’est plutôt expérimental, ca nous a clairement montré comment on pouvait être expérimental en studio » [cf Muscle Museum #2]

Pendant cette seconde session au Sawmills studios, Paul Reeve était attentif pour capturer des moments hors champs. Quand Matt eu au téléphone sa petite amie qui lui manquait – « nous furent séparés pendant 3 jours et c’était énorme » – il pris la guitare acoustique et lui fit la promesse de lui écrire une chanson d’amour. Le résultat est « Unintended »

Matt : « C’est la seule fois où j’ai enregistré une guitare en corde de nylon sur un album. Je me souvient de jouer les mélodies et quelques idées de parole et Paul Reeve était en mode « allez faisons ca ! ».

Dom : « On la assemblé en studio, on est arrivé avec toutes les parties et on l’a faite »

Matt : « C’est l’une des seules fois d’ailleurs que l’on a fait ca ».

A Sawmills, Muse et Paul Reeve ont décidés quels morceaux finiraient sur l’EP : « Uno », « Untitled » et « Instant Messenger » (future « Pink Ego Box ») furent retenues. « Spiral Static », « Hate This and i’ll Love You », « Showbiz » et « Plug in Baby » furent mises de côté à ce moment là.

Matt : « Si Plug in Baby avait eu son riff à ce moment là je penses pas que on l’aurait retoquée. Mais si vous écoutez ce à quoi ca ressemble à ce moment là le titre n’est pas abouti par rapport à la version finale. Je ne chante pas avec beaucoup d’émotion mais sur « Showbiz » il y a une vrai émotion et douleur exprimée dans le chant. Et c’est ce que Paul Reeve voulait il disait « Où est l’émotion, où est l’authenticité ici ? ».

Le « Muscle Museum EP » à propulsée l’ascension de Muse. Pendant la préparation de la sortie, Smith –travaillant avec Safta Jaffrey – organisa la venue du groupe au In The City Showcase Festival de Manchester, où plusieurs labels US avaient entendu parlé du groupe et les ont ensuite invité à l’équivalent New Yorkais, le CMJ. A CMJ Columbia Record’s Nancy Walker fut impressionnée et leur a demandé d’aller à Los Angeles pour faire un showcase pour le label. Il y furent signé par le label de Madonna, Maverick à Noël 98. Quand l’EP est sorti sur Dangerous en Janvier 1999, quelques diffusions sur Radio 1 et une attention de la presse musicale furent suffisant pour vendre les 999 copies et propulser le groupe vers de nouveaux échelons des charts indie.

Si seulement la nouvelle avait atteint Tunbridge Wells. Début 1999 au Tunbridge Wells Forum, leur logo sur un drapeau accroché au mur de la scène, Matt en pantalon en PVC, le groupe joue « Spiral Static » dans une salle quasi vide. Sa réponse la destruction.

Matt : « Dans le Devon on commençait à être important, on pouvait facilement jouer complet dans des salles de 200 personnes. Mais ce fut une surprise d’aller à Tunbridge Wells, Manchester ou Bristol et de jouer devant seulement une quinzaine de personne alors que l’EP était dans les charts. Ce fut l’écrasante réalité d’avoir encore beaucoup de travail dans le reste du pays. Je me souviens m’être dit «  on doit un peu secouer tout ca ». Ce fut clair que nos concerts devaient être plus divertissants que seulement des titres d’albums, et je penses que c’est là que nous avons eu l’idée d’être un peu plus sauvage et fous. Par nos choix on s’était un peu coincé, les chansons étaient très émouvantes et déprimantes à jouer tout les soirs. De tout ca est venu la destruction, la frustration et le désir de trouver des styles musicaux supplémentaires à ajouter à l’équation. »

Si Tunbridge Wells n’était pas encore prêt pour ce tsunami venu de Teignmouth près à engloutir le rock, malgré tout plusieurs observations lors de cette première tournée (où le groupe a aussi répété des morceaux de leur futur premier album), montrent que le Muse commence à attirer et rencontrer un public, le groupe gagnant en confiance un deal d’enregistrement signé et les premiers indices d’un succès international.

PARTIE SHOWBIZ
P19:

En février 1999, avec une bonne partie du premier album déjà enregistré à Sawmills, Muse s’est rendu au studio RAK à Londres avec le producteur légendaire des Stone Roses et de Radiohead, John Leckie. Pour Smith, « Il avait travaillé sur les premiers albums de beaucoup de groupes et a créé des choses novatrices. Il les a gardés focalisés mais leur a permis de garder leur propre direction musicale. Il était écrit dans le contrat qu’on conservait les décisions artistiques du groupe, on n’était pas obligés de faire ce que la maison de disque nous disait de faire. »

Quand ils n’étaient pas en train d’essayer d’entrer par effraction dans le studio voisin pour jouer avec la collection de voitures télécommandés de The Cure (« Ils étaient essentiellement nocturnes, donc leur studio était sans surveillance en journée »), ils passaient leur temps à retravailler quelques-uns des morceaux de Sawmills et enregistrer les quelques dernières pistes qui ne figuraient pas sur les EP pour Showbiz ; certaines comme Fillip qui « traînait là depuis un moment » et d’autres qu’ils avaient été répété comme des « idées et ébauches » pendant les soundchecks. Leckie était connu pour son excentricité, et son amour pour le bizarre et le fascinant s’est glissé dans les sessions d’enregistrement de Showbiz. Il gravitait naturellement autour de l’obscurité aux frontières de Muse et pendant leur temps libre, il initiait le groupe à Captain Beefheart, Tom Waits et Dark Side of the Moon de Pink Floyd.

Matt : « Tandis que Paul Reeve était doué pour amener un sens d’identité et de concentration à ce que faisait le groupe – il a peaufiné cette identité jusqu’à accoucher des premiers EPs – John Leckie aimait la marge. En partie car on était des gamins, en partie car on était stone et car cela l’amusait, il nous proposait certaines de ces choses et on acceptait. Il était peut-être une des premières personnes qui nous amenait dans une façon de penser un peu folle et hors du commun. »

Sur Showbiz, l’influence de Leckie est surtout entendue sur Sunburn, considérée comme une piste de l’album robuste jusqu’à ce que, après une discussion avec Leckie sur comment la rendre plus intéressante, le producteur ait décidé d’utiliser des vieux micros de tank allemands pour enregistrer une partie de piano, ce qui initiera Muse à un monde de possibilité dans le domaine du classique.

Matt : « A cette période je n’étais pas particulièrement affûté en tant que pianiste alors cela m’a pris un moment à réussir ce qui était en fait un simple arpège. Leckie est arrivé un jour avec tous ces micros allemands, ces pièces de collection bizarres. L’un d’entre eux était un micro qu’on attache autour du cou quand on est dans un tank, car dans un tank il y a tellement de bruit qu’on n’entend rien. Il a mis tous ces micros sur le piano et on a obtenu un son bizarre de piano. Cela a totalement produit un son de piano classique, ce qui est devenu quelque chose de plus important sur des albums futurs.

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Dom se rappelle d’une autre des chansons que John Leckie leur faisait souvent écouter, un morceau appelé The Nazz de Lord Buckley, l’histoire de Jésus raconté dans un style de scat poétique de San Francisco ; Muse ont fini par enregistrer un morceau sur lequel ils improvisaient, mais n’ont pas réussi à obtenir les droits pour le publier.

Matt : « On se défonçait et on écoutait ce genre de truc dans le studio. On comprenait ce que John Leckie était en train de faire, il essayait de nous surprendre avec des trucs qui sortaient vraiment de l’ordinaire. »

Et parfois il les incitait à agir. Quand Leckie a joué Blue Valentine de Tom Waits à Matt, une lumière s’est allumée. Matt sentait un lien spirituel avec Jeff Buckley, qu’il avait vu jouer pendant les années 90, et le blues, le gospel, la country et la musique psychédélique précoce que Leckie leur avait joué. A la suite de ça, Falling down s’est mis en place.

Matt : « « Il a joué Blue Valentine et j’ai fait « Wow ! ». C’était juste du chant et de la guitare et certainement plus blues et organique que Falling down, mais ça a posé les bases d’un lick de guitare et du chant, presque quelque chose de jazzy. Falling down se démarque de toutes nos autres chansons, c’est l’une des seules fois où on a fait un clin d’oeil à la musique gospel ou à l’histoire américaine du blues. On peut m’entendre découvrir ce falsetto expressif, un truc à la Jeff Buckley. « Quand Dennis Smith a entendu l’album finalisé, c’était avec un sentiment d’accomplissement. « C’était tout ce à quoi je m’attendais, et plus encore. Avoir été là depuis le début du nom « Muse », ils ont tellement accompli depuis ce temps et je sentais que l’album était aussi bien que ce qu’on pouvait espérer. J’en étais très emballé. Je sentais que John avait saisi cette énergie et cette originalité, cette dynamique. »

Néanmoins, Muse regarde rétrospectivement Showbiz avec un peu de distance. Ils l’aiment pour ses résonances émotionnelles, ses nuances expressives et expérimentations classiques mais, puisque leurs producteurs se focalisaient sur la saisie de la chanson et l’émotion plutôt que la prestance sonore, ils déplorent son manque du groove, de riff, de puissance et de poids qu’ils développaient en live.

Matt : « Il n’y a pas de riff Plug in Baby, il n’y a pas de riff New Born, pas de ligne de basse Hysteria, et la liste continue. Si on devait regarder toute notre musique, on choisirait certainement ces choses-là comme étant une part majeure de ce qu’est le groupe. Mais des chansons, des émotions, des tentatives d’atteindre quelque chose en dehors du genre rock, il y a clairement de cela. »

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Émergeant avec un album qui selon eux ne les représentaient que partiellement, Muse a passé la tournée « Showbiz » à corriger le tir. Entre les enregistrements du Portsmouth Pyramid en 1999 (un événement organisé par Radio 1) et les derniers concerts à l’Astoria en 2000 des riffs déchaînés de chansons comme Agitated, Jimmy Kane, Ashamed et Yes Please ont fait des apparences régulières, jouées de façon aléatoire en outro des chansons de Showbiz.

Matt : « Même si elles étaient exclues de l’album, on ne les a pas laissé tomber. Ces chansons sont des chansons de rock assez déjantées et complètement en dehors de la mode de ce qui se passait au Royaume-Uni à ce moment-là. Ces riffs commençaient progressivement à s’infiltrer et il devenait apparent pour nous entre Showbiz et Origin… que ce côté plus heavy était quelque chose qu’on devait faire, c’était ce qu’on aimait. On remarquait que le public aimait ces chansons plus que les morceaux de Showbiz. »

Réenregistrer ces pistes pour la multitude de B-sides sur les nombreuses sorties de singles multi-cd (en grande partie avec Paul Reeve aux studios Airfield en Cornouailles, où ils ont aussi expérimenté des versions acoustiques style feu de camp de plusieurs chansons, avant de décider que cette voie n’était pas pour eux) leur a donné l’opportunité d’expérimenter. Ils ont exploré des paysages sonores sans structure sur Forced In, des riffs métal farfelus sur Minimum, Ashamed et Yes Please, de l’acoustique psychédélique inspiré par le groupe Love sur Earthquake et même le reggae sur Recess.

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Matt : « Il y a aussi Con-Science, que jusqu’à ce jour je considère comme une des meilleures chansons qu’on a jamais composé. C’est vraiment étrange, juste un simple morceau minimaliste de piano. S’il n’était pas sorti, j’aurais aimé le mettre sur l’album suivant. C’est une chanson très progressive et obscure, plutôt dans le genre Pink Floyd que dans un genre prog heavy. Les choses qu’on choisissait de faire dans le studio à cette période sont une bonne démonstration qu’on voulait présenter ces aspects qui n’étaient pas sur Showbiz. Il est clair qu’on s’éclatait sur les trucs plus pêchus et aussi un peu plus bizarre. Ce sont en quelques sortes toutes les choses qu’on aurait souhaité ne pas rejeter et qui auraient dû être sur le premier album, et des choses qu’on ressentait être nécessaires pour les lives.

Dom : « C’était certainement une période de redécouverte de ce côté heavy. Je crois me souvenir que Paul Reeve n’était pas aussi enthousiaste face au matériel plus heavy par rapport aux morceaux qu’on avait fait avec lui sur Showbiz. Ce n’était pas à son goût. On jouait Ashamed et on était motivés par à quel point il était heavy mais on avait l’impression qu’il préférait les chansons plus calmes ».

Une révélation majeure pour le groupe fut la tournée US où Muse a joué en première partie des Red Hot Chili Peppers et des Foo Fighters. Pour Smith, « c’était des shows nous mettant devant des gens à qui il aurait fallu 2 à 3 ans de shows pourris aux US pour nous faire connaître, donc on ne se plaignait pas. On était les premiers sur scène dans des salles souvent seulement à moitié remplies mais avec un public nombreux. On jouait ces salles pour au moins 10 000 personnes par soir même si on était seulement la première partie. C’était une belle opportunité pour commencer à construire un début d’opinion et une fanbase aux US, quelque chose qui était unique et que peu de personnes ont la chance d’avoir. On commençait à se faire remarquer. »

Regarder leurs collègues de tournée monstres du rock, détruire ces immenses salles chaque nuit, Muse se rendit vite compte que la subtilité qui fonctionnait pour eux sur les tournées en clubs au Royaume-Uni – ouvrir le set avec Sunburn, par exemple – était complètement perdue dans une salle immense remplie de 10 000 fans de hard rock.

Dom : « On s’éclatait aussi à jouer à des hordes de nouvelles personnes dans des villes obscures, mais quelque chose pendant cette tournée nous a fait réaliser à quel point on devait s’améliorer. »

Matt : « Au bout d’un seul show, nous avons compris qu’il fallait ouvrir la chanson avec un gros riff heavy. On savait qu’on était capable de jouer un riff qui était non seulement plus heavy que les Red Hot et les Foo Fighters réunis, mais encore plus heavy, avec un son plus massif. Cette mentalité nous a permis de survivre à la tournée. On n’avait que 25 ou 30 minutes pour jouer et on se disait « on a seulement 3 ou 4 chansons qu’on aime vraiment jouer devant un tel nombre de spectateurs », alors on a commencé à ajouter des riffs. Un d’eux a fini par devenir la B-side Minimum, qui est juste une chanson instrumentale bizarre. On ouvrait avec ce grand riff fou, puis on poursuivait avec Sunburn, puis un autre riff fou, puis jouait une autre chanson comme Muscle Museum. On a réalisé tout à coup qu’être sur scène devant 10 000 personnes, ce n’était pas seulement ce qu’on devait faire, c’était ce qu’on aimait faire et que ça faisait partie de notre identité. C’est ce qu’on aurait toujours dû être. C’est ce qui est ressorti de cette tournée.»

Chris : « C’est de là où est née New Born. On jammait le riff de New Born sur cette tournée, je me souviens de l’avoir joué pendant les balances et je pense qu’il y avait une petite installation au fond du bus, avec de l’acoustique. On faisait beaucoup de sessions acoustiques à la radio aussi à cette époque, alors il y avait toujours des guitares et basses acoustiques qui traînaient au fond du bus. On jammait les riffs hard sur de l’acoustique. »

Matt : « C’était juste naturellement ce qu’on avait envie de faire. Depuis l’âge de 15 ans, on faisait de la musique en sachant que le résultat serait un bar avec 10 personnes qui nous regardaient, donc il y avait cette pression de devoir être divertissant, intéressant, fun et heavy. Cet instinct naturel était en quelque sorte dompté pour être plus subtile, avec plus d’émotion et de bon goût pour l’album Showbiz, mais la tournée des Red Hot nous a rappelé quelque chose qu’on savait qu’on avait en nous. C’est pour cette raison précise que quand nous avons commencé à écrire de nouvelles chansons, nous sommes revenus à notre état originel sur des chansons comme New Born. Je me souviens des accords de Plug in Baby et je me disais « si je jouais cela en live, qu’est- ce que je ferais ? Je ferais ça [chante le riff]. » C’était notre approche, à ajouter du piquant à ces chansons, les rendre mordantes, les rendre putain de barrées, faire le truc le plus extrême auquel on pouvait penser, car c’est ce que tu fais sur scène, car il le faut. Sinon c’est juste du shoegazing » [note : courant musical rock caractérisé par des ambiances éthérées et des musiciens jouant de façon absente et introspective en concert].

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Une fois le riff répété, Matt compléta New Born chez lui sur le piano de sa grande mère, son chat Herbie sous le tabouret, en s’amusant avec une série d’accords hypnotiques inspiré par la B.O de The Truman Show. « Quelque part là-dedans, en bidouillant avec ces arpèges, j’ai trouvé quelque chose qui nous a transformé du groupe qui a fait Showbiz à un groupe qui serait appelé en quelque sorte progressif. Cela devenait hypnotique et je me disais « qu’arriverait-il si cela passait soudainement à un gros riff de guitare ? ». A ce moment-là, on en avait 10 en réserve qui n’avaient jamais été entendus, et c’était l’affaire de trouver lequel marcherait le mieux après ce morceau de piano. New Born était le premier exemple d’une entrée dans cette formule plus longue, ce truc prog de 6 minutes. Je jouais sûrement Sunburn… Je pense que ce que j’ai fait avec New Born était de commencer au même endroit car c’était un motif familier de piano en accord de mi, jouer ces accords et trouver des changements différents qui nous semblaient bien autour de cette forme. Citizen Erased est venu après ça, « faisons une chanson qui fait 7 minutes et qui a un bout de piano à la fin plutôt qu’au début ».

A la fin de la tournée mondiale pour Showbiz, avec l’album qui a atteint le top 30 au Royaume-Uni, le Muse géant des stades que l’on connaît aujourd’hui commençait à prendre forme. Plug in Baby et New Born devenaient des incontournables en live et, jouant dans des salles à guichets fermés à travers toute l’Europe, Matt commençait à détruire des guitares chaque nuit, transperçant la batterie de Dom et, à une certaine occasion, se faire chasser d’une salle en Autriche pour avoir pratiquement décapité un agent de sécurité avec une cymbale balancée. Au final, les premiers signes de mise en scène sont apparus, à savoir un rang de cônes luminescents le long de l’arrière-scène, à l’origine d’incidents.

Matt : « à la fin du concert à l’Astoria, je suis rentré à l’intérieur d’un d’eux et j’ai fini par détruire le matériel depuis l’intérieur d’un cône et me mettre en boule sous la plateforme de batterie. Ma petite amie est venue me rejoindre dans le cône et on a farfouillé sous la plateforme pendant que les spectateurs sortaient. On sortait du bout du cône, en rigolant. »

Les deux concerts à l’Astoria en juin 2000 contenaient également des indices du spectacle Muse après 20 années d’effort. La première nuit, selon le concept d’éclairage de Matt, les cônes s’allumaient sur un morceau de chœur d’église de Palestrina appelé Sanctus Benedictus pendant que le groupe montait sur scène, comme si les cônes eux-mêmes chantaient la lancinante chorale classique. Depuis, leur attaché de presse l’a comparé à Spinal Tap.

Matt : « J’étais effondré. Je pense que ça aurait tout gâché pour la deuxième nuit, on l’a seulement fait sur la première nuit. Puis des années plus tard, le morceau est apparu sur l’album Drones en tant que chanson éponyme, avec moi qui chantais toutes les parties ! Quand on voit le concert Drones, toutes les boules qui flottent pendant que le chœur est joué, je l’ai d’abord inventé lors de ce concert à l’Astoria 15 ou 16 ans plus tôt. »

De grandes idées, et Muse était sur le point de devenir encore plus grand.

PARTIE ORIGIN OF SYMMETRY
P35 – CD 6 : ORIGIN OF SYMMETRY DEMOS-

On pourrait penser qu’ Origin of Symmetry a pris naissance dans un opéra, une salle de bal majestueuse ou un de ces opulents palais du son. En réalité, les démos du chef-d’oeuvre qui allait propulser Muse sur le devant de la scène ont été enregistrées au Landscore Road Community Centre, un « vieux foyer rural humide et tout moisi » de Teignmouth, qui n’était en fait qu’un simple débarras où le groupe entreposait son matos pendant les tournées.

Dom : « Ça c’était les premières répétitions des chansons d’ Origin enregistrées sur un simple microphone. »

Matt : « Oui c’est vrai, John Leckie les avaient enregistrées avec son petit enregistreur stéréo. »

Chris : « Comme une sorte de Dictaphone. »

Pourtant, les morceaux qu’ils allaient enregistrer étaient loin d’être “petits”. Inspiré par le délire qu’avait suscité Sunburn, Matt avait composé Space Dementia après avoir passé des mois à apprendre le piano classique en écoutant Rachmaninov, Liszt et Chopin, et il était en train de devenir un véritable virtuose.

Matt : « Je sais pas lire les partitions mais j’écoutais beaucoup de classique et j’essayais de m’inspirer de ce que j’entendais. Je voulais capturer cette période de musique classique, fin du Romantisme, début du Modernisme – les compositeurs russes comme Tchaikovsky, Rachmaninov, cette espèce d’émotion dramatique qui me touchait. Je pense qu’on n’a jamais réussi à faire mieux en matière de chanson rock purement basée sur du piano. Et pourtant, on a souvent essayé. »

Dom : « C’était une chanson importante parce qu’on avait l’impression d’avoir découvert une phase complètement différente pour le groupe avec l’ajout du piano classique. »

Matt : « Ce n’est pas nouveau de mélanger de la musique classique avec de la musique contemporaine, mais pour moi, cette période fin du Romantisme, début du Modernisme était un peu plus déjantée. Rachmaninov faisait de la musique sombre et brutale, ce n’était pas du tout mièvre. C’était vraiment très noir et les gens avaient parfois du mal à s’y faire. »

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Dévasté par la dissolution de ses rêves rock’n’roll et par la réalité grinçante de la vie en tournée – « la vie sur la route pendant ‘Showbiz’ était souvent déprimante, » admet-il – Matt devenait de plus en plus sombre en 2000. Il sort une photo de lui en vacances aux Maldives, « un endroit considéré comme un vrai paradis… Sauf que moi, je sais pas pourquoi, me retrouver dans un endroit magnifique et paradisiaque m’a fait sombrer. » C’est là que Matt concocte Megalomania, « l’une des chansons les plus sombres que j’aie jamais écrites. » Sur la photo, il est vêtu de noir, l’air misérable, plongé dans un livre de Michio Kaku intitulé Hyperespace : une odyssée scientifique à travers les mondes parallèles, les failles temporelles et la dixième dimension, un traité sur les dimensions supérieures et le fait qu’elles pourraient aider à expliquer les phénomènes fondamentaux de l’univers. C’est un passage de ce livre qui est à l’origine du nom donné au deuxième album du groupe : “En intitulant son livre ‘L’origine des espèces’, Charles Darwin est allé bien au-delà de la taxonomie, en fournissant une explication logique à la diversité animale dans la nature. Ce dont la physique a besoin, c’est de l’équivalent de ce livre, qui pourrait s’appeler ‘L’origine de la symétrie’, et qui expliquerait pourquoi on retrouve certaines symétries dans la nature.”

Aujourd’hui encore, Matt parle des théories d’Hyperespace avec passion, se rappelant des illustrations marquantes qui servaient à expliquer les dimensions parallèles : un ver bidimensionnel rampant sur bout de papier, qui ressent des “forces mystérieuses” lorsqu’il passe sur une pliure par exemple, suggérant que des forces telles que la gravité seraient « des ondes dans des dimensions supérieures qu’on ne voit pas. C’était la première fois que j’étais bluffé par quelque chose. L’idée qu’il pouvait y avoir d’autres dimensions, l’espace, le futur, la physique… Je pensais beaucoup aux dimensions cachées à cette époque, et à l’idée qu’il pouvait y avoir un onzième univers dimensionnel. A ce concept bizarre d’univers, de nature et de réalité. Il est clair que c’était très différent des thèmes abordés sur Showbiz. »

Matt se plonge alors encore plus dans la physique théorique, et ce sont ses lectures d’essais scientifiques et philosophiques traitant de l’architecture du cosmos qui vont inspirer les paroles très science-fiction du deuxième album de Muse. Ça, et ses hallucinations récurrentes provoquées par la déshydratation en tournée, où il se voyait poursuivi par des éclats d’argent volants, à travers des paysages extraterrestres qui s étendaient à l’infini, ce qui servira d’inspiration à Micro Cuts.

Matt : « J’étais à l’âge où on se dit “mais qu’est-ce ça veut dire, tout ça ? Ça peut amener à la dure réalisation, quand tu deviens adulte, que finalement la réponse, c’est “rien”. Je réfléchissais trop. C’était le mélange de Rachmaninov et Liszt, de l’épuisement d’être en tournée et des livres que je lisais pour essayer de comprendre l’univers et la signification de tout ça – à cette époque, c’est ça qui inspirait mes paroles. Pendant Showbiz, on avait un peu l’impression que c’était les autres qui dirigeaient tout, qu’on n’avait pas le contrôle de nos propres vies. Alors que là, on contemplait l’abîme et on pouvait choisir de suivre ce triste chemin où l’on joue de la musique sombre et déprimante tous les soirs pour le restant de notre existence, ou bien choisir d’être un peu différents. »

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Heureusement, contempler l’abîme a poussé Muse à se tirer de ce gouffre. Matt et Dom goûtent alors à des « drogues hallucinogènes qui ouvrent l’esprit » et tous trois se jurent de s’amuser plus, que ce soit en studio ou sur la route.

Matt : « Pendant la tournée d’ Origin c’est là qu’on a commencé à faire la fête, à accepter ce qu’on était plutôt que d’en avoir peur et à prendre du bon temps. Ça se voyait dans tout ce qu’on faisait – en studio, sur scène, dans notre façon d’être entre nous, avec les fans, dans les soirées qu’on faisait. On était complètement différents à l’époque où on a fait Origin et du coup, quand on est parti en tournée pour jouer l’album, on était beaucoup plus motivés. »

En septembre 2000, selon la légende, les drogues hallucinogènes en question auraient ruiné les premières sessions d’ Origin of Symmetry au studio de Ridge Farm avec le producteur David Bottrill. Dès le premier jour, le groupe découvre un champ rempli de champignons hallucinogènes juste à côté du studio et passe plusieurs jours dans un jacuzzi à manger ce qu’ils croyaient être des vers de terre. « On a passé plus de temps à faire les andouilles dans le jacuzzi et à courir dans les champs, se souvient Matt. Je me rappelle pas qu’on ait enregistré grand chose. On avait tellement tourné, on était ravis d’être payés à faire de la musique et le studio était génial. On a fait la fête et fait les cons bien plus que l’on a enregistré. Les versions des chansons qu’on a enregistrées là-bas, comme Plug in Baby, n’étaient vraiment pas très bonnes. »

« Je me souviens pas que cette session ait été si mauvaise que ça », proteste Dom. « C’est justement parce qu’on avait pris plein de champignons et sans doute fumé plein d’herbe et qu’on faisait les cons quand on sortait du studio que l’expérience dans cette session a été bonne… »

Bottrill lui-même corrobore la version de Dom. « On raconte qu’apparemment les garçons se seraient juste défoncés aux champignons pendant qu’ils étaient là, dit-il. C’est vrai qu’ils ont pris beaucoup de champis mais ils ont aussi bien travaillé. Ils étaient fatigués, je crois qu’ils étaient en plein milieu d’une tournée et étaient épuisés… [mais] j’ai trouvé que c’était une super session. Chris a vraiment défini son son sur cet album, il a travaillé dur à développer une distorsion du son de la basse et a vraiment assuré. On a enregistré cinq chansons qui sont géniales – elles étaient pas si différentes que ça des versions mixées. Leur créativité était au top. Le seul problème, c’était que Matt était tellement créatif qu’il arrivait pas à finir une idée avant d’en avoir une autre. Parfois, il était en train de faire un riff de guitare en plein milieu d’une chanson, et tout d’un coup il disait “attends” et on le voyait partir au clavier et commencer à jouer autre chose ! C’était tout le temps comme ça. C’était génial que son énergie et ses idées soient débordantes, mais le problème, c’était d’arriver à ne pas s’éparpiller. »

D’autres aspects positifs ressortent des sessions au studio de Ridge Farm. Un son plus expérimental absent de Showbiz voit le jour. Les riffs de Plug In Baby et de Darkshines deviennent de plus en plus rock et lourd, ce que Dom considère comme « un grand moment dans l’évolution du groupe ». Lorsque Safta et Dennis arrivent, ils entendent une des premières versions « un peu bizarre » de New Born, et Safta, quelque peu confus, déclare tout de suite « c’est du pur génie, bordel ». « Je me souviens que je lui ai dit “ah oui, c’est vrai ? Ok. On va continuer comme ça alors”, » se rappelle Matt avec un large sourire.

Pendant ce temps, lors des repas avec Bottrill, le producteur introduit le groupe à une passion qui lui tient à cœur : la politique. « On n’était vraiment pas branchés politique, se souvient Matt, mais lui il était très anti-globalisation, et à l’époque il y avait pas mal de gros mouvements, comme Make Trade Fair qui soutenait le commerce équitable. Je me rappelle que je me disais “bon, calme-toi, mec !” J’avais pris des champis, j’étais pas prêt à ça ! Mais je crois que ça m’a affecté au fond de réaliser que je savais pas vraiment de quoi il parlait. Je sais pas, je crois que c’est là que j’ai commencé à me dire que justement, moi, j’aurais dû savoir de quoi je parlais. »

De retour en territoire familier à Sawmills, le producteur et ingénieur John Cornfield réussit à effectuer un « sauvetage » des enregistrements de Ridge Farm, en remettant les prises de ‘Plug In Baby’ à niveau. C’est à Sawmills que Matt et Cornfield allaient commencer à expérimenter avec les débuts de la synthwave. Matt possédait un synthétiseur Juno 60 depuis qu’il était petit et en tirait des sons rétros semblables aux génériques de film et jeux vidéo des années 80. Il avait toujours aimé la musique au synthé dramatique et quasi-classique de Jean-Michel Jarre. Avec l’aide de Cornfield, il réussit à améliorer un enregistrement studio un peu mou de Bliss en y ajoutant un arpège au synthé du tonnerre.

Matt : « Je crois que là, on a découvert quelque chose de vraiment nouveau, du rock mixé à de la synthwave dans un style moderne et futuriste. Aussi, sur Plug In Baby, la ligne de basse est doublée avec un vieux synthétiseur analogue. C’était le début de ce qui allait devenir plus tard des chansons comme Supermassive Black Hole, sur lesquelles on utilise des vocodeurs à l’ancienne. On a toujours aimé le son des vieux synthés et on a trouvé un moyen de l’importer dans le genre de musique qu’on fait, une espèce de méta-modernisme. »

Les sessions se poursuivent ensuite aux studios de Real World à Bath avec John Leckie aux manettes. Là, ils n’ont plus de restrictions et se sentent libres d’explorer les aspects plus sombres et tordus de leur musique qui avaient été réprimés sur Showbiz.

Matt : « Il nous a vraiment entraîné dans un monde bizarre et nous a dit “faisons des trucs complètement déjantés”. Par exemple, sur Screenager on marchait pieds nus sur du plastique à bulles pour créer des effets de son bizarres et on jouait sur des percussions en métal. On avait des ongles de lamas et des trucs bizarres accrochés à nous pour créer des sons atmosphériques. Sur les deux premiers albums, John Leckie était vraiment le seul producteur qui se foutait complètement que ça puisse passer à la radio. Il voulait vraiment juste qu’on fasse des trucs super bizarres, ce qui nous convenait parfaitement à l’époque. Il nous faisait écouter du Captain Beefheart et du Tom Waits, ce genre de son expérimental et épuré. On s’est mis à essayer de le capturer. Micro Cuts a été enregistrée là-bas, celle-là elle était vraiment bizarre – la version originale avait plein de clavecin. »

Chris : « On est allés dans un endroit pas loin du studio rempli de clavecins. »

Matt : « Comme un genre de musée d’instruments anciens. La version originale était très baroque, comme du Bach avec ma voix par-dessus. Peut-être qu’aujourd’hui ça passerait mais je pense qu’à l’époque on nous aurait dit qu’on avait poussé un peu trop loin. Ça ressemblait vraiment à du ‘lied’ allemand [poème chanté par une voix et accompagné par un ensemble instrumental] ou quelque chose comme ça. Je jouais les parties au clavecin sur les couplets où je chantais façon opéra, et puis ensuite ça partait sur du rock super lourd, mais à un moment on s’est dit que c’était un peu trop barré et on a fini par y mettre de la guitare. »

Muse s’aventure aussi hors de Real World, direction l’église de St Mary The Virgin près de Bath, pour y enregistrer la partie à l’orgue grandiloquente de Megalomania. « Ouais c’était vraiment un moment extraordinaire, raconte Dom. En ces temps-là, tu disais “orgue d’église ? Ok, charge le plug-in et c’est parti”. Le grand truc de John, c’était de toujours essayer de faire quelque chose qu’on n’avait jamais fait. Avec l’orgue, il nous a tout de suite dit “il faut trouver une église par là et faire ça sur un vrai orgue”. »

De telles expérimentations entraînent aussi la création de deux versions bien différentes de Hyper Music. « Cette chanson représente vraiment la confusion du groupe dans le sens où on adorait le rock bien hard, mais on était aussi plongés dans un monde post-rock à cette époque-là, explique Matt. Il existe deux versions. Hyper Chondriac Music, qui était un morceau au piano doux, avec des rythmes très créatifs à la batterie et un son de basse déformé brut, et avec de la réverbe en fond – c’était une version vraiment artistique de cette chanson. Et ensuite, il y a la version où c’était carrément “allez, faisons du hard blues à la Rage Against The Machine”. Pour l’album, on a pris la décision de pencher plutôt pour le style plus hard rock… On tournait beaucoup, on faisait plein de concerts, alors on s’est dit “est-ce qu’on veut partir en tournée et faire Hyper Chondriac Music ? Non. Par contre, jouer la version originale qui se trouve sur l’album, ça oui, c’est ce que je veux faire sur scène. »

Les sessions de Leckie s’avèrent être productives ; Muse quitte Real World avec la majorité d’ OOS dans la poche. Et leur bonne humeur inspire un ajout de dernière minute.

Chris: « Il me semble me souvenir que c’est le dernier truc qu’on a fait, tellement bien qu’on avait presque tout remballé et quitté le studio. Sur le chemin de la sortie, on s’est retrouvé à enregistrer Feeling Good juste pour le plaisir. Bien sûr, ça a bien tourné et le morceau s’est retrouvé sur l’album. »

Matt: « On l’a enregistré presque entièrement live. On avait fait un mini concert pour BBC Radio 1 et ils nous avaient demandé de faire une reprise. C’était la chanson préférée de ma copine de l’époque, elle était fan de Nina Simone et parmi tout ce qu’elle m’avait fait écouter, je trouvais que cette chanson était bien cool. Donc on a essayé d’en faire une reprise pour la BBC. Tout le monde a tellement aimé qu’on s’est dit qu’on allait la refaire pour l’album.”

Avec l’ajout du chant, des instruments à cordes, des overdubs et du « passage complètement dingue à la fin de Space Dementia» aux Astoria studios (une péniche aménagée sur la Tamise qui avait appartenu à Charlie Chaplin, et que David Gilmour avait transformée en studio d’enregistrement) et à Abbey Road, l’enregistrement d’ Origin Of Symmetry est bouclé en février 2001. Smith se souvient qu’ils ne savaient plus où donner de la tête pour le choix du contenu. « Pendant l’enregistrement, on avait commencé à réfléchir à l’ordre des titres mais aucune chanson n’était moins bonne que l’autre et on avait tous notre préférée. »

A sa sortie en juillet, l’album rapporte au groupe des critiques plus qu’élogieuses et se propulse à la troisième place du classement au Royaume-Uni, annonçant l’arrivée d’une nouvelle force de la musique rock qui allait révolutionner la planète. En revenant sur l’album aujourd’hui, on ne peut que ressentir une fierté silencieuse en admirant la variété et l’ambition sans honte de la bête. Aujourd’hui encore, Matt considère New Born comme « un riff très difficile à égaler » et prend un malin plaisir à revenir sur les extrêmes quasi-comiques de l’album.

Matt : « Je me souviens d’avoir lu une critique qui disait que Micro Cuts ressemblait à “Anne Widdecombe [politicienne conservatrice britannique] qui chante sous la douche”. Ça m’a bien fait rire, s’ils savaient ! On a tendance à faire de l’humour référentiel, où on fait de la musique très prog mais avec l’intention de faire sourire les gens. »

Dom, pour sa part, remarque la nature avant-gardiste du disque, du son progressif accompli de Citizen Erased – leur premier essai à des sortes d’arrangements à plusieurs instruments qui allaient plus tard devenir un élément de base de leurs albums – à l’expérimentation sur orgue de Megalomania, en passant par le pétage de câble de certains titres tels que Screenager.

Dom : « Entre l’ajout de synthé sur du rock et l’impact évident qu’a eu le piano classique, il se passe beaucoup de choses sur cet album. Avec New Born, Micro Cuts et le riff de Citizen Erased on a réintégré ce côté heavy qui nous manquait. Il me semble qu’on a aussi beaucoup été influencés par d’autres styles de musique que le rock et qu’on s’est plus amusés avec ça que sur Showbiz. »

Muse garde beaucoup d’affection pour cet album, une affection renforcée lors des concerts de Reading & Leeds en 2011 où ils jouent l’album dans sa totalité pour marquer ses 10 ans. « Environ un an avant, on a commencé à réaliser que l’album avait amassé des fans vraiment à fond, explique Matt. Ca parlait vraiment à beaucoup de gens. Je pense qu’on l’avait jamais perçu comme un album particulièrement génial, on le voyait plus comme un album formateur. Pour ce qui est du son et des performances lives, c’était assez brut. C’est seulement avec l’album suivant qu’on a commencé à sentir qu’on avait assuré sur tous les niveaux, qu’on avait consolidé notre son et que c’était exactement le son qu’on voulait. Mais autour de 2010, cette adoration pour tout ce qu’on avait fait avant Absolution, et Origin… en particulier, est devenue évidente chez nos fans, alors on s’est dit “y’a qu’à leur donner ce qu’ils veulent et jouer le truc en entier”. »

Chris : « Il y avait pas mal de chansons qu’on n’avait pas jouées depuis super longtemps. Je crois qu’il y en avait une ou deux qu’on n’avait même jamais jouées. Alors il fallait que je les réapprenne toutes, ce qui m’a ramené des années en arrière. »

Matt : « Le groupe s’était vachement développé. On avait joué au Wembley Stadium en 2007 et on avait fait une longue tournée des stades en Europe en 2010, du coup notre concept de la production était devenu énorme. Ce qui m’a le plus ému, c’était de voir Tom [Kirk, le plus ancien ami d’école du groupe, réalisateur live lors de leurs concerts, et qui a énormement d’achives video du groupe] aux répétitions en train de passer en revue tous les visuels, et de voir les illustrations de l’album prendre vie, la couverture et ces énormes trucs qui ressemblaient à des poteaux de but de football américain. Voir tout ça être installé, c’est ça qui m’a le plus ému, le fait que cet album mérite et justifie ce type de production. Quand on l’avait écrit, on n’aurait jamais imaginé un truc pareil. J’étais étonné de voir à quel point l’album était cohérent sur scène, on sentait qu’il s’enchaînait bien, en finissant sur la note lugubre de Megalomania, je me suis dit que c’était un bon set. »

Dom : « J’en revenais pas de voir à quel point c’était bien passé devant un public de festival, qui n’est pas juste composé de tes fans habituels. Tout le monde connaissait les chansons, je m’y attendais pas du tout, même les plus rares. C’était une expérience vraiment géniale. Megalomania était un véritable karaoké en masse. »

Matt : « C’est ça qui était bizarre, des chansons qu’on croyait enterrées depuis longtemps, comme Screenager et Megalomania, j’aurais jamais imaginé les rejouer un jour. Dès qu’on a commencé la tournée d’ ‘Absolution’, ces morceaux étaient partis aux oubliettes. Alors les rejouer devant genre 70 000 personnes et recevoir une telle réaction… Qui d’autre peut faire des chansons comme ça en tête d’affiche de Reading et recevoir une réaction pareille ? »

Les concerts de Reading et de Leeds étaient censés clore le chapitre des origines folles de Muse. Mais avec le recul, leurs premiers disques comportent un élément de space rock démentiel à vif qui leur manque un peu aujourd’hui. « C’est un traumatisme émotionnel brut et dérangé, dit Matt. On avait capturé un vrai sentiment de déséquilibre qui nous a légèrement échappé sur les albums plus récents. »

Les folies sauvages de leur jeunesse, une créativité débordante lâchée en liberté, des ambitions contrariées et réalisées, la tragédie et le triomphes des rêves réalisés, puis rêvés à nouveau. Tout ça, ainsi que le Big Bang du plus grand, plus audacieux et plus démesuré groupe de rock du 21ème siècle, se trouve ici. And it burns like the sun.